Instagram et le Bodypositivisme : point de vue d’une personne souffrant d’anorexie mentale

Au cours de notre enquête, nous avons rencontré Marie [1], une jeune étudiante qui souffre d’anorexie mentale [2] depuis fin 2017. Elle nous a alors parlé de son rapport à Instagram et au mouvement bodypositif.

Selon elle, Instagram a grandement contribué au développement de sa maladie « via la communauté pro ana » qui sont des communautés qui « promeuvent l’anorexie comme mode de vie ». A travers le partage de posts et de citations (dites « thinkspo ») promouvant la maigreur, l’idée d’un mérite à devenir anorexique est introduite. En effet, celle-ci serait une « une perfection […] accessible à n’importe qui ayant un peu de volonté ». Si une personne veut devenir « parfaite » elle doit le mériter en prouvant sa volonté par la réalisation de « challenges de jeun toujours plus longs, de déficit calorique journalier toujours plus bas ».

Aujourd’hui, Marie va mieux grâce à sa thérapie et au soutien de son entourage. Car elle le dit, le bodypositivisme n’est pas un médicament permettant de sortir de l’anorexie. En effet, il ne permet pas de sortir de la « logique d’autodestruction » qu’est l’anorexie. Cependant, elle considère que les comptes bodypositifs peuvent servir de « prévention » et permettre un « changement de mentalité » pour empêcher que la maigreur soit considérée comme le modèle à atteindre.

Elle a découvert le mouvement bodypositif avec « une youtubeuse qui partageait son expérience avec l’anorexie ». La consommation de contenu bodypositif serait avant tout une tentative d’ « auto-conviction » pour intégrer le fait que la maigreur n’est pas le but à atteindre. Cette nouvelle dynamique lui permet de se « motive[er] pour manger et retrouver un métabolisme et un physique sain »

Le bodypositivisme lui permet de faire d’Instagram un lieu moins anxiogène. Ainsi, elle porte en horreur les « instagram models ». C’était déjà avant d’être diagnostiqué, « rappel permanent de ce que je n’étais/n’avais pas ».

Et elle n’est pas la seule à voir dans ses contenus, un environnement toxique. En effet, dans notre questionnaire nous avons demandé aux personnes interrogées de réagir à différentes photos dont une de la mannequin Kendall Jenner (voir ci-dessous).

 Lien : https://www.instagram.com/p/BzvfNDSDoOV/

Cette photo, à l’opposé du mouvement bodypositif, a suscité de nombreux sentiments négatifs. Ainsi 40% des utilisatrices interrogées se sont déclarées « envieuses », 35% « complexée » et moins de 1% « rassurée » alors que 32% des mêmes personnes ont déclaré être « rassurée » face à une photo d’une influenceuse bodypositive (voir ci-dessous).

Lien : https://www.instagram.com/p/B21ItkAhk52/

Enfin, Marie critique le fonctionnement des algorithmes d’Instagram qui, selon elle, mettent en avant un contenu promouvant des critères de beauté pouvant conduire une dégradation de l’image qu’on les personnes de leur corps. Elle déclare : « malgré le fait que je ne suive plus que des comptes bodypositifs, quand je vais dans l’onglet « rechercher » et que l’app propose plein de posts susceptibles de m’intéresser, je pense pouvoir dire sans trop me tromper que bien 40% des posts qu’on me soumet sont ceux de fit girls, de comparaison de calories contenues entre différents aliments et de « diet quotes » ». Or, comme le montre l’article de Marika Tiggemann and Mia Zaccardo [3], ces posts peuvent avoir un impact plutôt positif en incitant au sport et à vivre une vie plus saine mais ils ont aussi des aspects négatifs puisqu’ils mettent en avant un type de corps et pas une multitude. De plus, ces corps bien qu’ils soient musclés et toniques, sont fins et cela renvoie aux normes de beautés plus traditionnelles mise en avant par l’industrie de la mode. Ainsi, pour des personnes, comme Marie, qui sont sensibles à ce type de contenu, le fait de voir du contenu « fit inspiration » ne renvoie pas nécessairement à un corps sain mais à un corps fin. Marie nous expliquait ainsi qu’elle détestait voir des photos mettant en avant des pertes de poids comme celle-ci :

Lien : https://www.instagram.com/p/B2zmlNdBWwp/



[1] Le prénom a été changé, pour respecter l’anonymat de la personne interrogée

[2] L’anorexie mentale est un trouble des conduites alimentaires (TCA) qui se manifeste le plus fréquemment par une préoccupation très forte de l’apparence entrainant des restrictions alimentaires drastiques

[3] TIGGEMANN, Marika et ZACCARDO, Mia. ‘Strong is the new skinny’: A content analysis of# fitspiration images on Instagram, Journal of Health Psychology, 2018, vol. 23, no 8, p. 1003-1011.

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