Présentation de notre enquête : qu’est-ce que le Bodypositivisme ?

Pour cet enquête, nous avons souhaité nous intéresser au mouvement « body positive » que l’on retrouve sur les réseaux sociaux et particulièrement sur Instagram. Il s’agit d’un mouvement prônant l’acceptation de son corps tel qu’il est avec l’objectif de montrer une image positive du corps de chacun et de lutter contre le body shaming, c’est-à-dire le fait d’humilier quelqu’un à cause de son physique. Ce mouvement a aussi pour but de montrer des corps différents de ceux montrés et mis en avant par l’industrie de la mode, et qui sont, dans l’imaginaire collectif, considérés comme la norme, le but à atteindre. Si ce mouvement est particulièrement visible sur les réseaux sociaux, ce n’est pas pour autant qu’il y a été créé.

En effet, c’est depuis les luttes féministes des années 60-70 que le mouvement « body positive » s’est affirmé comme un moyen pour les femmes de reprendre possession de leur corps en affichant fièrement ce que la société pouvait considérer comme des sources de complexes. C’est dans les années 1990 que Connie Sobczak et Elizabeth Scott créent une organisation nommée « The Body Positive » qui participe à la diffusion de la pensée « Body Positive ». Aujourd’hui, le numérique permet un plus large accès à cette « culture ». En effet, nous pouvons voir sur les réseaux sociaux beaucoup de corps qui ne rentrent pas dans les normes de beauté telles qu’elles sont définies par les créateurs de mode, par la publicité ou la télévision. En effet, des femmes plus size / grande taille, comme Ashley Graham, affichent fièrement leurs corps ; des hommes comme Sam Smith montrent leur ventre sans abdominaux saillants, des femmes et des hommes montrent leur acné, etc.  Chacun et chacune est libre de rejoindre ce mouvement en postant une photo avec le hashtag #bodypositive. 

Mais le « body positivisme » n’est pas une tendance homogène. Ainsi, pour certaines personnes il s’agit avant tout d’un moyen de promouvoir d’autres représentations des corps et notamment des corps jugés « atypiques » puisqu’ils ne relèvent pas des critères de beauté que la société promeut. Pour d’autres cependant, des photos non retouchées ou la non-utilisation du maquillage suffisent pour s’identifier à ce mouvement et utiliser le hashtag.

Pour notre étude, nous avons décidé de nous focaliser sur l’étude du « body positivisme » et de son impact uniquement sur un public féminin puisque nous avons considéré que les critères de beauté étaient plus stricts chez les femmes et qu’elles étaient donc le public le plus concerné par le besoin d’accepter son corps tel qu’il est. En effet, les femmes sont beaucoup plus touchées que les hommes par l’anorexie ou sont davantage jugées sur leur apparence. C’est en effet ce que montre « Une étude épidémiologique menée en France en 2008 auprès d’adolescents dans leur 18e année [qui] indique que l’anorexie mentale a concerné 0,5 % de ces jeunes filles et 0,03 % des garçons entre 12 et 17 ans. » De même, pour simplifier notre approche, nous définirons les critères de beauté féminins comme des corps répondant à une logique d’hyper-contrôle : minces mais pas maigres, musclés mais pas trop, le teint bronzé…

Puisque ce mouvement est beaucoup plus accessible qu’à sa création, nous nous sommes demandé quel impact il pouvait avoir sur les utilisatrices d’Instagram. Permet-il effectivement une meilleure acceptation de son corps ou bien son effet reste-t-il limité ?

#bodypositive, qui utilise ce hashtag ?

Pour bien comprendre ce phénomène sur Instagram, il est important de comprendre qui l’utilise et dans quel but. S’agit-il d’un moyen de se rattacher à une communauté, de faire grandir son compte en attirant des likes ? Le contenu proposé par les posts utilisant ce hashtag est-il réellement body positif ?

Nous avons commencé notre exploration en regardant quelles photos apparaissent lors que l’on cherche #bodypositive ou encore #bodypositivity. Nous avons pu voir que la plupart de ces images étaient des photos de femmes mais des hommes utilisent ce hashtag. Puisque notre enquête se focalise sur l’impact de ce contenu sur les utilisatrices d’Instagram, nous nous sommes concentré.e.s sur les photos postées par des femmes. Dans ces posts, nous pouvons retrouver des inspirational quotes, c’est-à-dire des posts avec des citations visant à aider les personnes à accepter et aimer leur corps. C’est le cas de ce post :

Les hashtags #bodypositive et #bodypositivity sont aussi présents dans la description de selfies. Dans ce type de contenu, la personne montre qu’elle se sent bien dans son corps et veut inciter les autres à faire de même, ce qui renforcé, dans notre exemple, par la juxtaposition du hashtag #bodypositive et du hashtag #beyourself. Ainsi, dans cet exemple, il ne s’agit pas tellement de montrer un corps différent de la norme sociale mais plutôt d’affirmer son bien-être, ce qui est montré par le #feelinggood.

Ces hashtags sont également utilisés sous un autre type de photographie : les photographies montrant une transformation physique et en particulier une perte de poids. Ces images valorisent le sport comme un vecteur d’acceptation de soi. Il est ici question d’aimer son corps en le transformant. Les hashtags associés aux hashtags que nous étudions, dans ce type de posts, sont généralement #healthy, #fitness.

En outre, au cours de notre exploration nous avons pu constater que les grands comptes body positif comme ceux des mannequins « grandes tailles » ou encore d’influenceuses avec plusieurs millions d’abonné.e.s, n’utilisent pas ce hashtag. Par exemple, @mybetterself, une influenceuse parisienne, accompagne ses posts de longs messages racontant son expérience et son parcours. Elle explique pourquoi elle poste cette photographie en particulier et explicite le message qu’elle veut faire passer.  

Cette influenceuse revendique son message body positif même si elle n’utilise pas les hashtags #bodypositif et #bodypositivity. Elle est également reconnue comme telle puisque Marie[1], la jeune femme avec qui nous avons eu un entretien, nous a naturellement mentionné ce compte lorsqu’elle nous parlait du mouvement body positif sur Instagram.  

Les autres grandes influenceuses body positives n’utilisent pas non plus ces hashtags. C’est notamment le cas d’Ashley Graham ou encore de Lizzo. A la différence de Louise Aubry (@mybetterself), ces deux femmes ont une autre occupation que celle d’influenceuses puisque la première est un mannequin « grande taille » et la seconde est une chanteuse. Elles sont tout de même considérées comme des influenceuses body positives puisqu’elles ont des millions d’abonné.e.s et n’hésitent pas à mettre en avant leur corps qui ne se conforment pas aux standards de beauté. En revanche, elles ne mettent pas nécessairement le body positivisme au centre de leur description.  En effet, leurs descriptions sont plutôt à propos de leur vie, de pensée qui ont traversé leur esprit.

Enfin, nous avons également remarqué que des personnes utilisaient ces hashtags sous plusieurs, voire toutes leur posts, alors que les photographies postées ne sont pas nécessairement reliée à la volonté de dépasser les normes de beauté.

Sur ces deux posts, postés à quelques jours d’intervalle, et utilisant tous les deux le hashtag #bodypositive, nous pouvons voir une jeune femme dont le physique correspond aux critères de beautés standard mis en avant par l’industrie de la mode. En effet, elle est grande, mince, musclée et bronzée. Elle pose de façon à mettre en avant sa minceur et ses muscles abdominaux. Il ne s’agit pas de montrer une alternative aux normes de beauté mais d’attirer un public plus large grâce à ces hashtags.

Il semblerait ainsi que les comptes qui utilisent ces deux hashtags le font en même temps que d’autres hashtags. Cela pourrait correspondre à une volonté d’attirer plus de personnes afin d’avoir plus de likes et donc plus de reconnaissance. Or, les grands comptes body positifs que nous avons étudiés ont pas vraiment besoin de les utiliser pour avoir des likes et des abonné.e.s. De plus, comme nous l’avons montré, ce hashtag n’est pas constamment utilisé pour faire passer son message premier mais est plus un outil « marketting » pour certain.e.s et les grandes influenceuses peuvent vouloir se détacher de ces dérives.


[1] Ce prénom a été modifié pour préserver l’identité de cette jeune femme.

S’abonner au #bodypositive, quel impact sur le fil d’actualité Instagram ?

Au cours de notre exploration numérique, nous nous sommes abonné.e.s aux deux hashtags #bodypositive et #bodypositivity pour comprendre ce que cela changeait sur les publications que l’on voit et sur ce que le réseau social propose comme contenu à suivre.

Notre première observation fut de voir que notre fil d’actualité d’Instagram était rempli de publication contenant ces hashtags et que les comptes que nous suivions habituellement étaient presque invisibilisé par le flux continu de nouvelles photographies. Ainsi, sur dix photographies dans notre fil d’actualité, environ sept venaient de notre abonnement à ces deux hashtags. De nouvelles publications venant de ces hashtags arrivaient sur notre fil environ toutes les quinze minutes.

En outre, nous avons pu observer que la plupart des posts contenant ces deux hashtags, sur notre fil d’actualité, n’étaient pas réellement body positifs. En effet, il s’agissait plutôt de photographies de fitgirl, c’est-à-dire de femmes très sportives et se mettant en scène à la salle de sport, en tenue de sport. Ces femmes promeuvent le sport et un mode de vie sain. Nous avons ainsi retrouvé plusieurs publications du compte paula_fit_and_lifestyle [1]

Marika Tiggemann and Mia Zaccardo, en 2018, montre que être forte et musclée est une nouvelle norme de beauté dans leur article « ‘Strong is the new skinny’: A content analysis of #fitspiration images on Instagram ». En outre, les corps des fitgirls se ressemblent et il y n’a donc pas une diversité des morphologies alors que c’est ce que ce mouvement cherche à faire à l’origine. Comme nous l’a expliqué Marie[2]dans son entretien, ce type de contenu peut avoir un impact important sur les utilisatrices d’Instagram. En effet, bien qu’étant fragile, elle n’était pas anorexique avant d’être sur Instagram et cela l’a poussé vers cette maladie. De plus, ce contenu « s’infiltre » dans un mouvement qui cherche à montrer que tous les corps sont beaux alors que le principe des fitgirls est de promouvoir un certain type de beauté.

De plus, ces comptes mettant en avant le sport comme mode de vie sont souvent des comptes faisant des partenariats avec des marques « détox » ou qui recommandent des produits pour perdre du poids. C’est notamment le cas l’influenceuse que nous avons évoqué plus haut. Dans cette publication, elle propose un code promotionnel pour une marque qui propose des sucreries protéinées. Elle le fait sans préciser qu’il faut suivre un régime équilibré pour rester en bonne santé et que ces barres protéinées ne constituent pas un encas équilibré. Cela peut avoir des effets dramatiques chez les plus jeunes qui suivent ce type de contenu qui se confond avec le mouvement body positif à cause de l’utilisation des mêmes hashtags.

Nous avons cherché à contacter des femmes dont les publications apparaissaient sur notre fil Instagram à la suite de notre abonnement à ces hashtags mais aucune d’elles n’a voulu répondre à nos questions.


[1] https://www.instagram.com/paula_fit_and_lifestyle/?hl=fr

[2] Le prénom a été modifié pour préserver l’anonymat de cette jeune femme.

La portée du mouvement Bodypositif : qui sont les personnes touchées par ce phénomène ?

Dans le cadre de notre enquête, nous avons réalisé et diffusé un questionnaire pour mieux appréhender le mouvement Bodypostif, sa portée et son impact. Nous avons ainsi réussi à récolter 262 réponses dont 190 exploitables.

Tout d’abord, pour comprendre la portée du bodypositivisme, nous allons analyser l’échantillon d’utilisatrices que nous avons obtenus.

Premier constat : notre échantillon est jeune avec 99% des répondantes qui ont moins de 25 ans. Parmi elles, 12% ont entre 15 et 18 ans et 87% ont entre 18 et 25 ans.

Cela représente un écart important avec la réalité à l’échelle mondiale où seulement 32% des utilisateur-rice-s ont entre 15 et 24 ans contre 42% pour les 35-49 ans. Cependant, c’est plus proche de la réalité française où 70% des utilisateur-rice-s sont des « millenials » [1].

De plus, notre échantillon a une fréquence d’utilisation élevée du réseau social. En effet, seulement 3% des répondantes n’utilisent pas Instragam tous les jours. En revanche, 15.3% y vont une fois par jour, 67.4% y vont plusieurs par jours et 14.2% une fois ou plus par heure [1].

Une image contenant capture d’écran

Description générée automatiquement

Cette utilisation fréquente du réseau social n’est pas caractéristique uniquement de notre échantillon puisque 70% des utilistateur-rice-s français-e-s se connectent au moins une fois par jour [1].

Après cela, nous nous sommes intéressés à la perception général qu’avait les utilisatrices de leur corps. Ainsi nous sommes demandés comment elles se sentaient lorsqu’elles se regardaient dans le miroir.

La grande majorité (66%) considère que « cela dépend des moments », quand 23% ont une bonne image de leur coprs. Seulement 4% des personnes interrogées ont une perception très positive d’elle-même alors que 7% des personnes ont une mauvaise ou une très mauvaise image d’elle-même.

On retrouve donc, au niveau de notre échantillon, une fragilité certaine dans la perception de leur coprs par les utilisatrices.

Nous pouvons également lier le fait qu’il s’agit de femmes qui répondent à ce questionnaire. La part
importante de réponses « Cela dépend des moments » peut être relier au fait que le corps est
« métonymie de la femme » [DARMON ; 2008]. Ainsi, la vision qu’on les femmes de leur corps est
reliée, à cause des normes sociales et nottament des normes de beauté, à ce qu’elles vivent. Par
exemple, si elles se sentent inutiles, ou bêtes, les femmes ont plus tendance à se trouver grosses, à
ne pas aimer leur corps.

              Nous avons ensuite voulu ensuite savoir s’il y avait un lien entre la connaissance de compte Instagram Bodypositif et la perception des utilisatrices d’elles-même avec comme hypothèse que les personnes les moins à l’aise avec leur corps étaient plus suceptibles de connaitre et de s’intéressser aux comptes Instagram bodypositif.

Tout d’abord, nous avons constaté que les personnes interrogées sont nombreuses à connaitre des comptes se définissant comme Bodypositif et qu’importe la perception qu’elles ont de leur corps. Seul 23% de notre échantillon n’en connaissent aucun.

En outre, 70% des utilisatrices interrogées se sentant « bien » avec leurs corps connaissent des comptes bodypositifs. Ainsi, la consommation de contenus bodypositif ne s’adresse pas uniquement aux personnes mal à l’aise avec leur corps.

On peut cependant remarquer que les personnes se sentant moins à l’aise avec leur corps sont plus susceptibles de se tourner vers du contenu bodypositif. Ainsi, près de 80% des utilisatrices dont l’image qu’elles ont d’elles-mêmes « dépend des moments » connaissent des comptes bodypositifs.

En revanche, si un lien semble exister entre la perception de soi et la connaissance de compte bodypositif, nous n’avons pas trouver de lien entre la connaissance de compte Instagram Bodypositif et la fréquence d’utilisation du réseau social. En effet, on aurait pu croire qu’une utilisation importante d’Instagram permettaient une meilleure connaissance des influenceuses Bodypositives ou qu’une connaissance de ces comptes pouvaient pousser les personnes à se connecter plus souvent au réseau social. En effet, les propositions de comptes qu’Instagram fait dans l’onglet « recherche » se base sur les comptes suivis. Ainsi, si une utilisatrice ne suit pas de contenu body positif, il est fort probable que le réseau social ne promeuve pas ce type de contenu pour elle.



[1] https://blog.digimind.com/fr/tendances/instagram-30-chiffres-2017-a-connaitre-en-france-et-dans-le-monde

L’impact du Bodypositivisme sur les utilisatrices et la perception de leur corps

A l’aide de notre questionnaire, nous avons voulu, dans un second temps, étudier l’impact du mouvement bodypositif sur les utilisatrices d’Instragram.

Pour pouvoir effectuer cette analyse, une comparaison de la perception qu’ont les
utilisatrices, des influenceuses qui ne sont pas bodypositives et, de la perception qu’elle ont des influenceuses podypositives, nous a semblé pertinente. Nous avons alors construit une échelle allant de 1 à 5 pour que les personnes interrogées puissent indiquer le degré de ressemblance de leur corps avec celui des influenceuses (1 signifiant qu’il n’y a pas de ressemblance et 5 signifiant, au contraire, que la ressemblance est très importante).

Premièrement, nous constatons que l’immense majorité des personnes interrogées
considère que le corps des influenceuses ne ressemble pas au leur.

Ainsi, aucune personne de l’échantillon estime que le corps des influenceuses ressemble beaucoup au sien et seulement 9% considèrent qu’il y existe une ressemblance. En revanche, 60% des personnes indiquent que le corps des influenceuses ne ressemble pas au leur dont 19% qui considèrent qu’il ne ressemble absolument pas au leur. Cette impression qu’il y a une différence entre les corps des femmes interrogées et les corps montrés sur Instagram peut s’expliquer par le fait qu’il s’agisse de photos souvent retouchées et choisies avant d’être postées alors que les corps dans la « réalité », ne sont pas retouchés et les personnes connaissent leur corps dans des situations non flatteuses, qui peuvent mettre en avant ce qu’elles considèrent être des défauts. Par exemple, lorsque l’on est assis, le ventre n’est pas plat.

Ensuite nous avons croisé les données récoltées pour voir s’il existe un lien entre le degré de ressemblance perçu entre le corps des utilisatrices et celui des influenceuses et la perception générale, par les utilisatrices, de leur corps.

On constate alors certaines différences selon la perception par les utilisatrices de leur corps.

En effet, 65% des personnes se sentant « bien » dans leur corps considèrent que le corps des influenceuses ressemble moyennement au leur alors que c’est le cas de seulement 24% et 11% des personnes se sentant moyennement bien et « mal » dans leur corps.

De plus, aucune personne se sentant « mal » avec son corp indique un 4 comme degré de ressemblance du corps des influenceuses avec le sien alors que c’est le cas pour 13% des personnes se sentant « bien » avec leur corps.

En outre, seulement 17% des personnes se sentant « bien » avec leur corps considèrent que le corps des influenceuses ne ressemble pas au leur contre 48% pour les personnes se sentant moyennement bien avec leur corps et 78% pour les personnes se sentant « mal » avec leur corps.

Ainsi, les personnes les moins à l’aise avec leur corps sont également celles qui perçoivent le moins une éventuelle ressemblance entre le corps des influenceuses et le leur. Nous ne pouvons pas réellement établir un lien de causalité entre ces données et il pourrait s’agir d’une corrélation. En effet, nous ne savons pas si ces personnes se sentent mal dans leur corps parce qu’il ne correspond pas aux normes de beauté prônées, notamment par Instagram, ou bien si ces personnes trouvent que les corps montrés sur Instagram sont différents du leur et d’autre part, sans que cela soit lié, n’aiment par leur corps.

Après cela, nous avons demandé aux personnes interrogées d’évaluer, à l’aide de la même échelle de 1 à 5, le degré de ressemblance du corps des influenceuses bodypositives.

Alors qu’aucune personne interrogée ne considérait que le corps des influenceuses ressemblait parfaitement au sein, 1% des personnes considèrent que la ressemblance est parfaite quand il s’agit d’influenceuses bodypositives. De même 24% des personnes indiquent que leur corps ressemblance à celui des influenceuses quand celles-ci sont bodypositives contre 9% lorsqu’elles ne le sont pas. Il y a aussi une diminution de 23 points de pourcentage du nombre de personnes qui considère que le corps des influenceuses ne ressemble pas ou ne ressemble pas du tout au leur.

Mais une majorité de répondantes considère encore que le corps des influenceuses bodypositives ne ressemblent que moyennenement au leur (38%), qu’il ne ressemble pas (26%) ou pas du tout (11%) au leur.

Ainsi, si la ressemblance entre le corps des influenceuses bodypositives et celui des utilisatrices restent limitée, celle-ci est davantage marquée qu’avec les influenceuses non-bodypositives. Nous pouvons expliquer cette différence avec le fait que les influences bodypositives montrent des photos souvent moins retouchées ou encore des photos montrant des « défauts ». c’est notamment le cas de cette publication du mannequin « grande taille » Ashley Graham où elle montre ses vergetures[1].


[1] https://www.instagram.com/p/B1T7t9Lgd7y/

.

                       

Ces données sur l’impression de ressemblance ou non entre les corps des personnes
interrogées et les influenceuses bodypositives pourraient expliquer les réponses mitigées que nous avons obtenus concernant l’impact du bodypositivisme sur la vision qu’ont les utilisatrices de leur corps.

Ainsi, si très peu de personne (seulement 2%) considère que leur vision de leur corps s’est détériorée depuis qu’elles consomment du contenu bodypositif, 50% considèrent que cette vision n’a pas changée. En revanche, 48% des utilisatrices interrogées indiquent que leur vision de leur corps s’est améliorée depuis qu’elles visionnent du contenu bodypositif sur Instagram.

En ayant conscience que la perception du corps par les utilisatrices ne dépend pas seulement du visionnage de contenu bodypositif, on peut néanmoins dresser comme constat que la consommation de ce type de contenu peut avoir un impact positif ou un impact nul mais que les risques que ce type de contenu participe à la dégradation de l’image, qu’on les personnes d’elles-mêmes, est très faible.

Enfin, nous pouvons noter que les personnes commentant des publications d’Influenceuses bodypositives ont plutôt tendance à dire que ces publications ont un impact positif sur leur vie. Par exemple, dans ce commentaire, cette jeune femme remercie cette influenceuse car elle aide « à stopper la pression [qu’elle reçoit] ». Ainsi, cette jeune femme montre bien que les diktats de la beauté, et en particulier de la minceur, sont ressenties par les femmes et que montrer des corps différents, avec des bourrelets et des coups de soleil, aide à comprendre qu’il n’y a pas une perfection à atteindre, un « summer body », puisque c’est ainsi qu’elle le nomme. 

Lien : https://www.instagram.com/mybetterself/

Un autre exemple de commentaire de ce type peut être trouvé sous cette publication d’Ashley Graham.

“I friggin love this so much @ashleygraham!!! This photo is so powerful in so many ways!! Women these days are judged on how they look by so many and it’s disgusting to me!! We are so damn hard on ourselves because of it, when we should be proud of our bodies and feel beautiful inside and out!! Every damn stretch mark, every scar, every incision scar tells a story and a every story is beautiful and unique in its own way!! I’ve always been so hard on myself on how I’m perceived by people……my hair, skin, looks, my body etc UNTIL this past May when I experienced the most humiliating surgery I’ve ever endured!! It has taken me months to get over that surgery and realize, I shouldn’t be ashamed as I’m not alone in this and several women have experienced this in some shape or form!! I feel comfortable to be able to talk about my experience and feel I need to tell women to stay aware of their body changes and get checked out if something doesn’t seem right!! So now I have yet another scar that tells a story and it’s a powerful one that I can now talk about!!! You are a beautiful soul inside and out @ashleygraham you’re such a role model to women of all ages and we thank you for sharing your story!!💖 »

Avec ce commentaire, cette utilisatrice met elle aussi en avant la pression sociale que les femmes subissent et les complexes que cela peut provoquer. Elle partage sa propre expérience et remercie l’influenceuse qui, en postant des photographies de ce type, permet de faire comprendre aux autres femmes qu’elles ne doivent pas se sentir dégoutées par le propre corps.

Instagram et le Bodypositivisme : point de vue d’une personne souffrant d’anorexie mentale

Au cours de notre enquête, nous avons rencontré Marie [1], une jeune étudiante qui souffre d’anorexie mentale [2] depuis fin 2017. Elle nous a alors parlé de son rapport à Instagram et au mouvement bodypositif.

Selon elle, Instagram a grandement contribué au développement de sa maladie « via la communauté pro ana » qui sont des communautés qui « promeuvent l’anorexie comme mode de vie ». A travers le partage de posts et de citations (dites « thinkspo ») promouvant la maigreur, l’idée d’un mérite à devenir anorexique est introduite. En effet, celle-ci serait une « une perfection […] accessible à n’importe qui ayant un peu de volonté ». Si une personne veut devenir « parfaite » elle doit le mériter en prouvant sa volonté par la réalisation de « challenges de jeun toujours plus longs, de déficit calorique journalier toujours plus bas ».

Aujourd’hui, Marie va mieux grâce à sa thérapie et au soutien de son entourage. Car elle le dit, le bodypositivisme n’est pas un médicament permettant de sortir de l’anorexie. En effet, il ne permet pas de sortir de la « logique d’autodestruction » qu’est l’anorexie. Cependant, elle considère que les comptes bodypositifs peuvent servir de « prévention » et permettre un « changement de mentalité » pour empêcher que la maigreur soit considérée comme le modèle à atteindre.

Elle a découvert le mouvement bodypositif avec « une youtubeuse qui partageait son expérience avec l’anorexie ». La consommation de contenu bodypositif serait avant tout une tentative d’ « auto-conviction » pour intégrer le fait que la maigreur n’est pas le but à atteindre. Cette nouvelle dynamique lui permet de se « motive[er] pour manger et retrouver un métabolisme et un physique sain »

Le bodypositivisme lui permet de faire d’Instagram un lieu moins anxiogène. Ainsi, elle porte en horreur les « instagram models ». C’était déjà avant d’être diagnostiqué, « rappel permanent de ce que je n’étais/n’avais pas ».

Et elle n’est pas la seule à voir dans ses contenus, un environnement toxique. En effet, dans notre questionnaire nous avons demandé aux personnes interrogées de réagir à différentes photos dont une de la mannequin Kendall Jenner (voir ci-dessous).

 Lien : https://www.instagram.com/p/BzvfNDSDoOV/

Cette photo, à l’opposé du mouvement bodypositif, a suscité de nombreux sentiments négatifs. Ainsi 40% des utilisatrices interrogées se sont déclarées « envieuses », 35% « complexée » et moins de 1% « rassurée » alors que 32% des mêmes personnes ont déclaré être « rassurée » face à une photo d’une influenceuse bodypositive (voir ci-dessous).

Lien : https://www.instagram.com/p/B21ItkAhk52/

Enfin, Marie critique le fonctionnement des algorithmes d’Instagram qui, selon elle, mettent en avant un contenu promouvant des critères de beauté pouvant conduire une dégradation de l’image qu’on les personnes de leur corps. Elle déclare : « malgré le fait que je ne suive plus que des comptes bodypositifs, quand je vais dans l’onglet « rechercher » et que l’app propose plein de posts susceptibles de m’intéresser, je pense pouvoir dire sans trop me tromper que bien 40% des posts qu’on me soumet sont ceux de fit girls, de comparaison de calories contenues entre différents aliments et de « diet quotes » ». Or, comme le montre l’article de Marika Tiggemann and Mia Zaccardo [3], ces posts peuvent avoir un impact plutôt positif en incitant au sport et à vivre une vie plus saine mais ils ont aussi des aspects négatifs puisqu’ils mettent en avant un type de corps et pas une multitude. De plus, ces corps bien qu’ils soient musclés et toniques, sont fins et cela renvoie aux normes de beautés plus traditionnelles mise en avant par l’industrie de la mode. Ainsi, pour des personnes, comme Marie, qui sont sensibles à ce type de contenu, le fait de voir du contenu « fit inspiration » ne renvoie pas nécessairement à un corps sain mais à un corps fin. Marie nous expliquait ainsi qu’elle détestait voir des photos mettant en avant des pertes de poids comme celle-ci :

Lien : https://www.instagram.com/p/B2zmlNdBWwp/



[1] Le prénom a été changé, pour respecter l’anonymat de la personne interrogée

[2] L’anorexie mentale est un trouble des conduites alimentaires (TCA) qui se manifeste le plus fréquemment par une préoccupation très forte de l’apparence entrainant des restrictions alimentaires drastiques

[3] TIGGEMANN, Marika et ZACCARDO, Mia. ‘Strong is the new skinny’: A content analysis of# fitspiration images on Instagram, Journal of Health Psychology, 2018, vol. 23, no 8, p. 1003-1011.

Les limites de notre exploration

Lors notre exploration, nous n’avons pas pu aborder l’ensemble des sujets qui concernent le bodypositivisme. Cela s’explique en grande partie parce que nous avions des moyens limités pour les analyser. 

Ainsi, nous avions réussi à scraper des données sur 25 000 publications ayant dans leur description le hashtag #bodypositive mais nous n’avons pas pu autant les exploiter que nous aurions voulu. En effet, nous voulions avoir des données sur les régularités dans la juxtaposition de certains hashtags avec celui que nous étudions. Faute d’algorithme capable de faire cela, nous avons dû nous limiter à nos observations manuelles. 

En outre, nous avons eu l’opportunité de réaliser un entretien avec une utilisatrice d’Instagram mais nous aurions aimé en faire autant avec une influenceuse, notamment pour qu’elle puisse témoigner sur les messages qu’elle reçoit de ses abonnées ou encore pour comprendre l’intention derrière l’utilisation ou non d’un hashtag comme ceux que nous avons étudié.   

Conclusion de l’enquête

Les hashtags #bodypositive et #bodypositivity ne pas toujours utilisés sous des publications qui relèvent réellement ce mouvement.

Nous pouvons donc dire qu’en eux-mêmes ces hashtags n’ont pas un grand impact.

En revanche, les comptes les plus connus qui promeuvent l’acceptation de soi utilisent rarement voir jamais ces hashtags. Leur impact sur les utilisatrices est plutôt positif ou est nulle.

Ainsi ces comptes ne participent pas à la détérioration de l’image qu’on les utilisatrices de leur corps, ce qui n’est pas le cas de tous les contenus proposés sur Instagram.

Bibliographie

Ouvrages
Dallessandro, Alyssa, « 11 Empowering Body Positive Hashtags That Inspire Us to Love Our Bodies and Everyone Else’s Too ». Bustle, 2015

DARMON, Muriel. “Chapitre 8. L’espace social de la transformation de soi”, Devenir anorexique, Poche/Sciences humaines et sociales, 2008, p. 247-297.

MATHESON, Mikayla. Women’s Body Image in the Media: An Analytical Study of Recent Body Image Movements across Media Platforms. 2017.

Articles :
ADAMS, Katherine E., TYLER, James M., CALOGERO, Rachel, et al. « Exploring the relationship between appearance-contingent self-worth and self-esteem: The roles of self-objectification and appearance anxiety ». Body image, 2017, vol. 23, p. 176-182.

COHEN, Rachel, IRWIN, Lauren, NEWTON-JOHN, Toby, et al. « # bodypositivity : A content analysis of body positive accounts on Instagram »,. Body image, 2019, vol. 29, p. 47-57

COHEN, Rachel, FARDOULY, Jasmine, NEWTON-JOHN, Toby, et al. « # BoPo on Instagram: An experimental investigation of the effects of viewing body positive content on young women’s mood and body image. » New Media & Society, 2019, p. 1546-.1564

CWYNAR-HORTA, Jessica. « The commodification of the body positive movement on Instagram ». Stream: inspiring critical thought, 2016, vol. 8, no 2, p. 36-56.

DITTMAR, Helga. « How do “body perfect” ideals in the media have a negative impact on body image and behaviors? Factors and processes related to self and identity ». Journal of Social and Clinical Psychology, 2009, vol. 28, no 1, p. 1-8.

TIGGEMANN, Marika et ZACCARDO, Mia. ‘Strong is the new skinny’: A content analysis of# fitspiration images on Instagram. Journal of Health Psychology, 2018, vol. 23, no 8, p. 1003-1011.

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